1927 - Fête du travail et 80 ans de Léonie Bolloré à Odet

De GrandTerrier

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Une grande fête à la papeterie Bolloré d'Odet en ce dimanche 2 mai 1927 : l'anniversaire des 80 ans de la mère du patron, Léonie Bolloré née Surrault, une messe commémorative dans la chapelle privée et une fête du travail avec ses nombreuses remises de médailles.

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Clichés du photographe quimpérois Etienne Le Grand [1], coupure du journal « Union Agricole » [2] et article du bulletin paroissial « Intron Varia Kerzevot ».

Autres lectures : « LE GOFF Yves - Kannadig Intron Varia Kerzevot » ¤ « 1911 - Fête du mariage de René Bolloré, photos de Joseph-Marie Villard » ¤ « René-Guillaume Bolloré (1847-1904), entrepreneur papetier » ¤ « René Bolloré (1885-1935), entrepreneur » ¤ « Louis Pennec, recteur (1914-1938) » ¤ 

Présentation

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Léonie Marie Blanche Surrault, née le 4 mai 1847 à Saintes en Charente Maritime, épouse le papetier René Guillaume Bolloré en 1876. Ce dernier décède en 1904, et leur fils René prend la succession de l'entreprise familiale. Léonie est désormais appelée "Madame Bolloré mère" pour la différencier de sa bru. Elle décèdera dans sa 101e année le 18 février 1948.

On ne la voit pas sur les clichés du photographe Le Grand pour la fête de ses 80 ans, mais les discours lors du banquet et les commentaires de journaliste lui rendent un hommage appuyé :

  • « ses qualités du cœur et de l'intelligence ont conquis l'estime et la vénération de tous »
  • « Tous nous formulons le vœu que Dieu vous accorde la grâce de voir et de bénir les enfants de vos petits enfants. Ad multos annos ! »
  • « vous avez vu s'élever les maisons de la Cité ouvrière de Ker-Anna qui témoignent de la sollicitude de Monsieur Bolloré pour le bien de ses ouvriers ».
  • « ce qui a réjoui le plus votre piété c'est, j'en suis sûr, l'érection d'une chapelle à l'emplacement de l'ancienne »

Sa piété et ses œuvres sociales sont largement appréciées localement. On notera que la projection des films commémoratifs lors de la fête inclut : « la visite de Madame Bolloré à la cité ouvrière, les danses bretonnes autour du puits de la Cité » (ces séquences ont-elles disparu aujourd'hui ou sont-elles conservées par la famille Bolloré ?).

La fête de mai 1927 a été photographiée et filmée par plusieurs professionnels : « de nombreux photographes braquent leurs appareils, le cinéma tourne ».

Et notamment il nous reste ces 14 admirables clichés d'Etienne Le Grand, photographe originaire de Lestonan :

  • On y voit le patron René Bolloré officiant la cérémonie de remises de médailles, accompagné de son épouse, de blanc vêtue (chapeau compris) et de son fondé de pouvoir Louis Garin à la barbichette fournie.
  • Les ouvrières et ouvriers médaillés, tous et toutes en costumes traditionnels ou en habits de ville : « tous portaient le costume national, chupen [3] compris ».
  • Les invités à la fête à la sortie de la messe de 11 heures, dont de nombreuses femmes portant la coiffe et des enfants endimanchés.

Le nombre de médaillés pour les deux usines d'Odet et de Cascadec est impressionnant : « Il y eut plus de 60 de la nouvelle promotion, ce qui porte à 106 le nombre des médaillés d'Odet et de Cascadec. ». Le journaliste de l'Union Agricole signale que les médailles ne sont pas réservées aux ouvriers : « Il y a même un ingénieur qui reçoit sa récompense pour 27 ans de service », il s'agit de Yves Charuel du Guérand, ingénieur chimiste et beau-frère de René Bolloré. Dans la liste nominative publiée dans le bulletin paroissial on note aussi quelques contremaitres : Rannou Jean, Garin Louis, Briand Abel.

Mais la population ouvrière reste majoritaire, et notamment pour 50 ans de services la doyenne Anne-Marie Le Grand, veuve, qui reçoit sa médaille de vermeil (4 ont déjà été octroyées les années précédentes).

Galerie de photos


Articles, coupures

Bulletin Kannadig n° 7 du 15 mai 1927

Une fête à la papeterie d'Odet

Le premier dimanche de Mai, M. Bolloré avait convoqué ses plus anciens ouvriers d'Odet et de Cascadec pour fêter les quatre-vingts ans de sa mère. À 11 heures les cloches de la chapelle sonnaient à toute volée par dessus la verdure naissante et sous un soleil radieux. La messe est dite par le R.P. Hascouet, des Pères du St-Esprit, parent de Quimpérois, fidèles coadjuteurs du vieil Odet.

Après l'« Ite Messa est » la chapelle se vide et devant la porte sculptée, rappelant celle de Coadry en Scaër, les groupes se forment ; de nombreux photographes braquent leurs appareils, le cinéma tourne et à haute voix les nouveaux médaillés sont appelés pour recevoir les décorations, récompense méritée de leurs bons et loyaux services.

La médaille du travail, n'est-elle point la croix de guerre de l'ouvrier ? Il y eut plus de 60 de la nouvelle promotion, ce qui porte à 106 le nombre des médaillés d'Odet et de Cascadec.

Tout finit par un banquet ... Dans une salle, décorée avec goût, des tables avaient été dressées et deux cents couvert préparés pour les invités. Le service bien organisé, le menu soigné et arrosé de bons et généreux vins, contribuèrent à entretenir chez les convives une franche gaîté.

Union Agricole 6 mai 1927

FETE DU TRAVAIL. - Dimanche, tout le personnel de Cascadec s'est rendu à la papeterie d'Odet, en Ergué-Gabéric, et y fut transporté en auto. Tous portaient le costume national, chupen [3] compris.

À 11 heures, à la chapelle, le R.P. Harscoët, des Pères du Saint-Esprit, célébra la messe.

Il s'agissait d'abord de récompenser des années de bons et loyaux services. Il y en a plus de 60 de la nouvelle promotion : des 20, 27, 30, 35, 40, 43 et même 50 ans de services. En tout, à Odet et à Cascadec, 106 médailles actuellement. Il y a même un ingénieur qui reçoit sa récompense pour 27 ans de service.

Il s'agissait aussi de fêter le 80e anniversaire de Mme Bolloré, dont les qualités du cœur et de l'intelligence ont conquis l'estime et la vénération de tous.

Le banquet est admirablement servi par M. Quéré, restaurateur au hameau de Lestonan. Au dessert, le champagne saute ; puis ce sont les discours. M. l'abbé Pennec, recteur d'Ergué-Gabéric, en termes très délicats, rappelle le passé et même le présent de Mme Bolloré.

M. Garin assure M. Bolloré de tout le dévouement du personnel. Celui-ci fait retentir des hourrahs significatifs.

Nos félicitations aux Bolloré et à leur personnel.

Annotations

  1. Etienne Le Grand est né à Menez-Groas en Ergué-Gabéric le 9 février 1885, son père étant domestique de ferme, puis maçon, et sa mère issue d'une famille de tailleurs de pierre ou maçons. Son père décédé en 1885, il fut élevé à Keruel, près de Lestonan, d'où son oncle maçon est appelé à construire les écoles communales de la région. Il démarre comme stagiaire en 1889 chez le photographe quimpérois Joseph Villard. Il se marie le 19 février 1911 avec Catherine Bourhis. Il poursuit sa passion de la photo quand il fait son service au 102e régiment d'artillerie, puis lors de son incorporation en 1914 au 318e. De retour de la guerre, Etienne Le Grand retourne chez Villard, puis ouvre un atelier en 1920. En 1922 il installe ses studios au 8 place Terre-au-Duc. En 1947 il passe la relève de son studio quimpérois à son fils aîné Etienne (né en 1911-12) et prend sa retraite (il s'éteindra à Quimper le 15 avril 1969) ; le fils cadet Jean s'installe aussi comme photographe, à Concarneau. C'est ce dernier qui a conservé la plupart des clichés de son père de la première guerre mondiale.
  2. L'Union agricole et maritime, qui a d'abord été appelée L'Union agricole du Finistère est un journal local d'informations générales qui a paru à Quimperlé (Finistère) de 1884 à 1942. Il a connu des orientations éditoriales différentes, selon ses propriétaires successifs. La périodicité a aussi été variable : bi-hebdoadaire, tri-hebdomadaire et hebdomadaire. Avec pour sous-titre Organe Républicain Démocratique de la région du Nord-Ouest, le journal paraît le 1er août 1884 à l'initiative du conseiller général de Quimperlé, James Monjaret de Kerjégu, un riche propriétaire terrien et ancien diplomate résidant à Scaër.
  3. 3,0 et 3,1 Chupenn, chupen, sf, pluriel chupennoù : veste courte pour homme, veston, pourpoint (Wiktionary). Emprunté du breton, le terme est devenu du genre masculin en parler quimpérois (C.A. Picquenard). Au sens figuré le terme peut avoir la même connotation que l'expression française de « tailler une veste ». [Terme BR] [Lexique BR]



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Thème de l'article : Reportage photographique de début de 20e siècle Création : janvier 2022    Màj : 4.09.2023