Croas ar Gac, Kroaz ar Gag

De GrandTerrier

Variantes bilingues : Croas ar Gac (FR), Kroaz ar Gag (BR)

Signification : "croix du dénommé Le Gac, surnom de quelqu'un qui parle mal"

Décomposition : Kroaz pour "croix, calvaire" et ar Gac, patronyme basé sur le qualificatif gag "bredouilleur"

Relevés : 1834, 1837, piéta du 16e

Coordonnées géographiques : lat. 48.027447, long. -4.033055, cf. « Géo.Croas ar Gac »

Présentation générale

Le lieu-dit Kroaz-ar-Gag est situé à l'entrée du village de Quélennec, au croisement de la route de Pennaneac'h et des chemins de Stang-Odet et du Vrugic, là où autrefois il y avait un grand calvaire, dont aujourd'hui seuls les restes d'une piéta sont conservés. Cet endroit, aujourd'hui constitué d'une longue rue complètement urbanisée, n'était pas habité dans les temps jadis.

Mention du calvaire sur le cadastre Napoléonien :

Cadastre1838KAG.jpg

Le lieu est mentionné dans le registre du papier terrier de 1682 : « la tenue autrefois appellée la tenue du Gac au village de Quellennec braz », laquelle est déclarée comme tenue « prochement soubz le Roy notre sire ».

En fait, en 1447, soit 230 ans plus tôt, un dénommé Guiomarch Le Gac déclarait détenir au Quélennec des terres dépendant de l'abbaye de Landévennec pour lesquelles il payait des droits seigneuriaux.

Toponymiquement Croas ar Gac / Kroaz ar Gag est « la croix du dénommé Le Gac, surnom de quelqu'un qui parle mal ». Kroas pour "croix, calvaire" et Ar Gac, patronyme basé sur le qualificatif gag "bredouilleur", et portés vraisemblablement par le sus-nommé Guiomarch et ses descendants.

Autres lectures : « 1447 - Aveu fourni pour Quellennec à l'abbaye de Landévennec par Guiomarch Le Gac » ¤ « 1682 - Déclaration et sentence royale pour l'ancienne tenue de la croix du Gac » ¤ « Croas-ar-Gac, une vierge menacée » ¤ « Vie des quartiers 2 - Pierre Le Bihan, OF-LQ 1987 » ¤ « Conversation avec Marjan et Fanch Mao (1982) » ¤ 

La frise patrimoine du lieu-dit :

La piéta, datant du 16e siècle, encastrée aujourd'hui dans une niche de pierres surmontée d'une petite croix de granit, faisait partie autrefois d'un calvaire situé de l'autre côté du chemin de Stang-Odet. Marjan Mao qui habitait au bout du chemin se souvient y avoir vu au début du siècle les restes des premiers degrés du socle, ainsi qu'un magnifique if très proche. Le calvaire aurait été démoli au 19e siècle et les pierres utilisées pour la reconstruction du clocher de l'église paroissiale, abattu par la tempête du 9 février 1836.

Le calvaire ancien était à l'entrée d'un champ appartenant au siècle dernier à l'agriculteur de Quélennec, Pierre Le Bihan dit "Pêr La Gône". La piéta par contre est à l'entrée du champ de l'agriculteur de Pennaneac'h, René Beulz père.

Ce dernier fut contacté par Mme Charruel, belle-soeur de René Bolloré le patron des usines d'Odet. Il lui demanda de transporter la statue dans les jardins du château de Stang-Venn. René Beulz, d’abord réticent, finit par accepter.

Peu de temps après, survint une période de fort mauvais temps. Ceux qui avaient alors l’habitude de faire leurs dévotions en passant devant la piéta, demandèrent le rapatriement de la statue. René Bolloré fit remettre le pieux vestige en place au plus tôt. Il envoya ensuite deux de ses maçons, afin d’édifier une niche avec de solides barreaux pour protéger la vierge.

On raconte aussi, bien avant que les maisons voisines n'y soient construites (les familles Francès-Cognard sont les toutes premières en 1964), que le croisement de Kroaz-ar-Gag était un lieu de sortilèges. Certains y auraient vu « un château majestueux éclairé de toutes ses lumières » et « un gigantesque labyrinthe », d'autres des lutins, et en hiver il valait mieux fait un grand détour pour éviter les mauvaises rencontres.

Explications toponymiques

Extrait du Kannadig GT de juin 2008 :

Croas ar Gac / Kroaz ar Gag : " la croix du dénommé Le Gac, surnom de quelqu'un qui parle mal ». Kroas pour "croix, calvaire" et Ar Gac, patronyme basé sur le quafilicatif gag "bredouilleur". La mention écrite du lieu sous les formes « l'ancienne tenue du Gac » et « la croix du Gac » est notée en 1682 dans une déclaration et dénombrement inscrite dans le registre du papier terrier, dans le cadre de la réformation des domaines du roi. Le calvaire est signalé sur le cadastre de 1834 : une croix sur la carte au milieu du carrefour et plusieurs parcelles nommées « Parc ar Groas ». Le lieu est aussi libellé Croas ar Gac et Groas ar Gac dans le Tableau général des chemins ruraux en 1837. Elle apparaît également sur la carte d'état-major établie dans les années 1920.

Extrait de l'article GrandTerrier sur les croix et calvaires d'Ergué-Gabéric :

Encastrée dans un talus, la vierge de pitié de Kroas-ar-Gac d'environ 1 m de haut est conservée dans une niche de pierres fermée par des barreaux de fer, surmontée d'une petite croix de granit. La tête de la Vierge ne tient que grâce à une couche de ciment, et il ne reste du Christ que le tronc et les jambes.

Malgré l’érosion du granit, le Père Y.P. Castel, visitant le site en août 2000, relève un contraste entre la position frontale, avec un léger mouvement de tête vers la gauche, et équilibrée de la mère et la cambrure du Christ aux proportions plus grêles comme pour accentuer la fragilité du corps du défunt recueilli par sa mère. La piéta daterait du XVIème siècle.

A propos du terme "Kroas", Albert Deshayes précise dans son Dictionnaire des noms de lieux bretons (page 148)

PARTIE "Décrivons la nature"
Chapitre "Les chemins et les lieux divers"

Kroas "croix" procède d'un emprunt au latin crux par le vieux breton croes et le moyen breton croez ; il a pour correspondants le gallois croes et le cornique crows. Une croix s'élevait le plus souvent à la croisée de chemins, d'où son extension à noter un "croisement". Dans bien des cas, le breton kroas a été remplacé par son équivalent français. Ce terme est très fréquent dans la toponymie, puisqu'on le relève à plus de cinq cents reprises.

Les croix du haut Moyen Age se reconnaissent à leur taille dans les Croas-Ver, souvent traduits par Croix-Verte (de kroas verr "croix courte") auxquels s'opposent les Croas-Hir. Les croix étaient généralement peintes au Moyen Age, d'où les nom Croaz-Ruz en Plouénan (29), Croas-Ru en Lopérec (29), régulièrement traduit en Croix-Rouge, ou partiellement en Croix-Ru en Pleyben (29), etc., Croas-Ven en Landrévarzec (29) [...].

On le note employé seul, sous forme diminutive , ou sous forme plurielle. Placé en position proclitique, on le note associé à un terme descriptif, un élément du paysage, un nom de plante, un nom d'animal, un nom de personne, un qualificatif. Employé comme second élément, on le note associé à trente-trois autres termes dont kêr à cent trente reprises, puis ti à quatorze, menez à treize, lann à huit, pont à huit, porzh à sept, poull à six, etc.

Il est alors graphié, outre croas ou croaz : croes, croez, croaj, cras. Par lénition : groas, groaz, groes, groez, grois, groix, groise, groiez. Par spirantisation : c'hroaz, chraj, ouez.


Croas : (breton moderne, kroas), croix mais en toponymie désigne un carrefour, un croisement ; est parfois noté "croissant" forme francisée de kroashent (hent = chemin, route).

(A.Deshayes, Villages et lieux-dits de Quimper).

Page 488 du même Dictionnaire, Albert Deshayes donne l'information suivante pour l'interprétation du patronyme "Gac" :

PARTIE "Des noms de personne"
Chapitre "D'anciens surnoms bretons"

Gac, du qualificatif gag "bredouilleur", est assez fréquent en toponymie, employé seul dans An Gac en Prat (22) et dans Ar Gac en Coatascorn (22) et associé à :

  • convenant dans Convenant-Le-Gac en Pleudaniel (22) et dans Convenant-Gac en Camlez (22) ;
  • kêr "lieu habité" dans Kerargac  en Saint-Thonan (29), Kerangac en 1707, et dans Kergac en Bannalec (29), Kerengac en 1670, en Camors (56), en Lanrivain (22) et en Sulniac (56) ;
  • krec'h "côte, colline" dans Crec'h-ar-Gac en Plougrescant (22) ;
  • kroas "croix" dans Croas-ar-Gac en Ergué-Gabéric (29) et en Tonquédec (22) ;
  • plass (enn) "place" dans Place-ar-Gac en Bégard (22) et dans Placen-ar-Gac en Kerbors (22) ;
  • prad "pré" dans Prat-ar-Gac en Guissény (29) ;
  • stank "étang" dans Stang-Gac en Bannalec (29) ;
  • ti "maison" dans Mestirgac en Trémaouézan (29), Mestyrgac en 1689.

Marjan Mao, en 1982, essaie de se remémorer ce que les anciens disaient de l'histoire du lieu-dit

  • (Mar) - A Kroas-ar-Gac, il n'y avait pas de route encore. C'est ça qui est pire.
  • (JeC) - Ah bon !
  • (Mar) - En face de chez toi il n'y avait pas moyen de mettre les pieds nulle part.
  • (Fan) - Ouh là. Fallait aller à travers champs.
  • (JeG) - La route, c'était une garrenn [chemin creux] dans le temps.
  • (JeC) - Une garrenn [chemin creux] qui allait à Quélennec ?
  • (Mar) - De la Sainte Vierge jusqu'à ce qu'on descend chez Istin, il n'y avait pas moyen d'aller par la route.
  • (JeC) - Il y avait une route, mais il y avait de la boue ?
  • (Mar) - De la boue oui.
  • (JeG) - Avec les charrettes qui creusaient avec leurs roues.
  • (Mar) - Toutes les roues là-dedans, tout, tout !
  • (JeG) - Et la Sainte Vierge, elle est là depuis longtemps ?
  • (Mar) - Moi je la vois tout le temps là depuis que je suis née. Avant il y eu une croix encore, un calvaire, sur le talus de Per Bihan, en face de la Sainte Vierge.
  • (Fan) - Près du toul-karr.
  • (JeG) - Il y avait un calvaire là aussi ?
  • (Mar) - Catherine de Vruguic elle dit ça qu'il y avait un calvaire là.
  • (JeG) - Il a disparu comment ?
  • (Mar) - On n'a pas su. Moi je sais pas.
  • (JeG) - Kroas-ar-Gac était une croix faite par un Monsieur Le Gac alors ?
  • (Mar) - Ya. Catherine kontet an dra-se mad. Hi neus sonjet na tout[Catherine savait bien raconter ça. Elle se rappelle de tout.]
  • (JeC) - D'où venait ce Le Gac ?
  • (Mar) - Eñ no graet na, me chans e oa Le Gac, n'ouzomp ket. [Celui qui l'a fait, il y a des chances que se soit un Le Gac. Je ne sais pas.] On sait pas d'où il venait, on n'a jamais su d'où. Il y avait peut-être un Le Gac à Ty-Glaz ?
  • (JeG) - Maintenant c'est trop tard, mais peut-être qu'on aurait du demander il y a quelques années à Marjan Le Naour, peut-être qu'elle savait.
  • (Mar) - Ah oui. Honnezh en doa penn. Ma doue, me n'ouzomp ? penn d'e wellet anezhi ar mod-se, abaoe emaon amañ, abaoe e oan ganet, bihan tre. [Celle-là c'était une tête. Mon dieu, je l'ai toujours connue comme ça, depuis que je suis là, que suis née, toute petite.]
  • (Mar) - Med honnezh zo bet eskanted. Aze oa penn ar mab, e oa bet breved gand tud n'int lakaet da ober sot. [Mais la statue a été esquintée. Il y avait une tête au fils, et elle a été cassée par des gens qui se sont amusés à faire du mal.]
  • (JeC) - Qui était blessé ?
  • (Mar) - Le Jésus n'a plus de tête. On l'a mis dans la route et maintenant on la trouve plus, peut-être qu'elle est mise dans la boue et on a construit la route dessus.
  • (JeG) - Et bien, je ne savais pas qu'il y avait là un calvaire.
  • (Mar) - Si, si, Catherine dit ça. Moi je l'ai pas vu, mais j'ai vu des marches quand même.
  • (Fan) - Après, Mme Charruel a pris la Sainte Vierge.
  • (Fan) - Oui Mme Charruel a emporté la Sainte Vierge avec elle, de Croas-ar-Gac.
  • (Mar) - Mais elle a été obligée de la remettre.
  • (JeG) - C'est pour ça qu'on a mis des barreaux ?
  • (Fan) - Oui. Et on l'a mise de l'autre côté.
  • (Mar) - De l'autre côté ? Mais non, à la même place. Mais il y avait un petit coin comme ça avec des cailloux.
  • (JeG) - Maintenant c'est bien fait.
  • (Mar) - C'est bien fait mais il va tout tomber. Là ça se casse. Puisque eux ils ont mis des fers qui rouillent et qui cassent les pierres de taille.
  • (Fan) - C'est Robert et puis Jean-Marie Quéré qui ont fait ça.
  • (JeG) - Sur le compte de l'usine alors ?
  • (Fan) - Ah oui.

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