Déguignet raconte l'expédition et la retraite françaises du Mexique

De GrandTerrier

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Dans ses « Mémoires d'un paysan bas-breton », Jean-Marie Déguignet (1834-1905) donne sa vision critique sur l'expédition militaire française au Mexique dans les années 1861-67.

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Autres lectures : « DÉGUIGNET Jean-Marie - Histoire de ma vie, l'Intégrale » ¤ « Les 24 cahiers manuscrits de la seconde série des mémoires de Jean-Marie Déguignet » ¤ « LE NAIL Bernard - Des bretons au Mexique » ¤ « Le neuvième cahier de Jean-Marie Déguignet intitulé « Résumé de ma vie » » ¤ « Jean-Marie Déguignet et sa campagne d'Algérie (1862-1865) » ¤ 

Présentation

Jean-Marie Déguignet, après sa période de « pacification militaire » en Algérie et Kabylie, se déclare volontaire pour la traversée d'Alger à Vera Cruz au Mexique où il débarque le 11 août 1865. Suite à plusieurs rébellions violentes, une instabilité politique et une guerre civile, et la perte du Texas et états voisins, la guerre est déclenchée en 1861 par une coalition franco-anglo-espagnole, menée par la France qui souhaite y créer un empire.

S'en suivirent les combats de 1862-63 gagnés par les troupes françaises, les anglais et les espagnols s'étant entre-temps retirés, notamment les batailles de Puebla ou de Camerone. Déguignet arrive dans ce territoire central qui, en 1864, est déclaré comme un empire avec à sa tête Ferdinand Maximilien de Habsbourg-Lorraine, proclamé Maximilien Ier empereur du Mexique, et son épouse la princesse Charlotte de Belgique.

En 1865 la mission des troupes françaises est de tenter de conquérir le territoire nord du Mexique, là où les troupes mexicaines commandées par le président Benito Juarez sont puissantes. Le bataillon de Déguignet est basé à Durango, et se déplace même jusqu'à Avilez dans la région de Florez.

Là, en discutant avec un érudit local, ami de Juarez, Déguignet constate l'échec français : « Nous restions maintenant en première ligne en face de l’ennemi, et le vrai cette fois. Ce n’était plus les bandes de chinacos, voleurs et incendiaires, que nous avions en face de nous, c’était l’armée républicaine qui descendait aussi derrière nous.  »

Il ne reste plus qu'à rebrousser chemin vers le port de Vera Cruz et reprendre le bateau « le Souverain » qui débarquera à Toulon le 3 mai 1867. Quelques semaines plus tard, au dépôt militaire d'Aix, il finira ses « quatorze ans de services et autant de campagnes ».

On notera cet avis éclairé sur la raison de la retraite française : « L’Empereur [Napoléon III] avait été seulement avisé par les États-Unis de retirer ses troupes du Mexique immédiatement . Ces Américains, qui venaient de combattre pendant quatre ans pour la liberté, ne souffriraient pas que le tyran imbécile de la France vienne imposer des chaînes à un peuple ami et à côté d’eux.  ».

Cette appréciation a été remarquée par un éditorialiste américain qui cite notre soldat bas-breton : « Déguignet, who arrived in Mexico in 1865, witnessed France's embarrassing withdrawal two years later under American pressure. "The Americans, who had just spent four years fighting for freedom, would not stand for the imbecile tyrant of France coming to impose chains on a people who were both friend and next-door neighbor," he writes, noting with some glee: "So we were being run out, the way marauding herds are run out -- with whips and whistles."' » [1]

Jean-Marie Déguignet note effectivement avec un peu de jubilation ("glee" en anglais) : « Nous partions donc chassés comme on chasse les troupeaux maraudeurs, à coups de fouet et de sifflet »

Le bataillon de Déguignet sera le dernier à battre la retraite, essuyant les dernières balles des Mexicains :

Les expéditions françaises au Mexique entre 1862 et 1864 :

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La campagne de Déguignet en 1865-67 :

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« nous marchâmes encore jusqu’à Carneron , là où eut lieu le plus terrible et le plus glorieux fait d’armes de toute cette campagne, et que j’ai rapporté. Là, un train vint nous prendre pour nous conduire à Vera Cruz . En sortant de Cameron, nous vîmes encore dans le bois, le long de [la] ligne, des cavaliers rouges qui nous firent un dernier adieu en tirant quelques coups d’escopette derrière le train. Une heure après, la république mexicaine était délivrée de la présence "de los esclavos y bandidos de Napoleon tercero, el assassino". ».

Transcription imprimée

Page 1

3. La guerre du Mexique (1865-1867)

Cahier n° 9, p. 9.01-9.83 (cahier de 83 pages) (2 pages manquantes entre les pages 9.48 et 9.49).

Chez les Kabyles - Au Mexique.

Dans ce cahier, Jean-Marie Déguignet fait un Résumé succinct de l‘Histoire de ma vie (texte disponible sur le site internet grandterrier.net).

p. 9.31 : Jean-Marie Déguignet explique dans quelles circonstances il a été amené à se porter volontaire pour le Mexique.

[ ... ] À la fin de cette campagne de la Kabylie , notre régiment devait rentrer en France reposer sur ses lauriers, repos bien mérité, disait-on. Mais, pendant qu’il se préparait à rentrer dans la métropole, vint un ordre pressé de Paris de chercher des volontaires dans toute l’armée d’Afrique, parmi les aguerris, les vieux durs à cuire, pour aller au Mexique où les affaires commençaient déjà à tourner mal pour les Français. Bien entendu, j’en fus un des premiers sur la liste des volontaires, non par un amour exagéré atroce pour la guerre, pour les massacres dont je n’en avais déjà vu que trop, mais l’amour des voyages lointains, de voir des nouveaux pays et des nouvelles aventures. Mon camarade, le savant, vint aussi, ce qui nous permit de philosopher beaucoup en route pendant la longue traversée d’Alger à la Vera Cruz. [ ... ]


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p. 9.83 : Jean-Marie Déguignet se trouve à Durango en garnison, il fréquente la bibliothèque du lieu.

[ ... ] Une bibliothèque dans ce pays si éloigné , cela me frappa. J’hésitai cependant pour y entrer, car je savais que nous étions là dans le pays des vrais libéraux, des républicains. J’y serais mal reçu sans doute. Cependant, le mot bibliotheca avait tant d’attrait pour moi que je résolus d’aller voir ça, au risque de m’y faire assassiner. Mais quand j’y entrai, il n’y avait que deux personnes, dont les physionomies peu farouches me rassurent. Un homme entre deux âges était en train de feuilleter un vieux manuscrit. [Un] autre, le bibliothécaire, était moitié couché sur un sofa, fumant tranquillement sa cigarette. J’allai très poliment à lui, et pensant qu’un bibliothécaire devait savoir le français, je m’adressai [à lui] dans cette langue. Mais il me répondit en castillan qu’il ne savait pas le français. Je lui demandai dans cette langue la permission de consulter l’histoire du Mexique, que cette riche bibliothèque devait posséder assurément. « Oui, dit-il, il y en a, et c’est même à peu près tout ce que nous possédons en langue castillane, tout le reste est en français.» Il me montra tout, et je vis en effet qu’il n’y avait là que du français, tous les auteurs y étaient rangés par cases, depuis Rabelais jusqu’à Victor Hugo. Ces volumes étaient là depuis leur arrivée, fermés sous des vitrines, sans que personne n’y [eût] jamais touché depuis. Je restais seulement étonné par une si grande bibliothèque dans ce pays presque inconnu, à trois mille lieues de la France, et où se trouvaient presque toutes les œuvres des écrivains français, là où ils ne servaient à rien, ni à personne.

Cahier n° 10, p. 10.01-10.98 (cahier de 98 pages).

Mexique - Aix - Congé militaire - Retour au pays.

Le bibliothécaire me donna alors ce qu’il appelait l’Histoire du Mexique ...


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Pages 3 à 24

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pour saluer le duc et la duchesse de Mexico et aussi le petiot, car on disait que madame la duchesse avait fait un petit gosse en route, et justement pendant la tempête . Quelle belle naissance pour le fils d’un grand héros! On aurait dû le baptiser l’enfant de la tempête. Ce jour-là, tout le monde vit la figure macabre de Bazaine, que nous n’avions pas vu depuis Mexico. La visite du gouverneur anglais ne dura pas longtemps, heureusement pour le maréchal-duc qui ne tenait pas beaucoup, assurément, à entretenir ce gouverneur de ses tristes aventures du Mexique. La musique eut le temps seulement de jouer les deux rigodons nationaux, le Partant pour Syrie , et le Got Salve the Quin . De Gibraltar à Toulon, nous essuyâmes encore une petite tempête, pendant laquelle un malheureux matelot fut tué raide par un coup de palan à la tête, qui le jeta du haut du grand mât sur le pont. C’était un père de famille. On fit une quête à bord pour sa veuve et ses enfants. Débarqués à Toulon , nous allâmes camper à l’endroit même d’où nous étions embarqués huit ans auparavant pour la guerre d’Italie, puis le lendemain nous nous mîmes en route, sac au dos, pour aller à Aix par la même route que nous avions suivie pour aller en Italie.


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Cahiers 9 et 10


Annotations

  1. Article « The Village Atheist » d'Alan Riding sur le site Internet www.nytimes.com.



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Thème de l'article : Ecrits de Jean-Marie Déguignet Création : Mars 2020    Màj : 4.10.2023