La bannière et la médaille de Pierre-Marie Quintin alias "Tonkin Kozh"

De GrandTerrier

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Une bannière pour remercier Dieu, Notre-Dame de Kerdévot et ses saints pour le retour "magnifique" d'un soldat de ses campagnes militaires au Tonkin.

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Témoignages familiaux de ses descendants, récits de campagne de Paul Sainmont et registres matricules militaires des Archives Départementales du Finistère (cote 1 R 944).

Autres lectures : « Les bannières paroissiales de saint Guinal, ND de Kerdévot, Tonkin, saint Michel et Fatima » ¤ « Carnets d'Anatole Le Braz sur Jean-Marie Déguignet et Ergué-Gabéric » ¤ « La fête du patrimoine, OF-LQ 1980 » ¤ « Corentin Signour, maire (1947-1953) » ¤ 

Présentation

« Bet ban l'Annam, ban Tonkin, ban Afriq, ha deut bet d'ar ger magnifik !  » (j'ai été à Annam, au Tonkin et en Afrique, et je suis revenu à la maison "magnifique"), ainsi s'exprimait Pierre-Marie Quintin (1861-1930) [1] de Niverrot quand on l'interrogeait sur ses années d'opérations militaires de 1882 à 1887.

On le surnommait affectueusement « Tonkin kozh », le vieux Tonkin, et par cette expression « magnifik » il disait sa fierté d'être revenu en bonne santé de ses pays en guerre. Et pour cette bannière de procession « Tonkin 1885 » que ses parents avaient fait faire à son retour à Niverrot, Pierre-Marie répétait souvent « C'est ma bannière ».

D'ailleurs son registre matricule confirme bien son incorporation dans le 2e régiment de zouaves, et ses campagnes respectives : « En Afrique du 26 novembre 1882 au 18 janvier 1885. Expédition du Tonkin du 19 janvier 1885 au 4 juillet 1886. En Annam du 5 au 30 juin 1886. Opération d'occupation du Tonkin du 1er juillet 1886 au 3 janvier 1887. En Afrique du 4 au 16 janvier 1887. »

On a pu penser que la bannière avait été réalisée en l'honneur d'un autre soldat du Tonkin, Corentin Signour de Keranroux, car Anatole Le Braz lors d'une description du pardon de Kerdébot en 1899 écrit : « Elle a été offerte par Signour ». Or Corentin Signour, qui est bien de la même classe que Pierre-Marie Quintin, n'est allé ni en Afrique, ni en Annam, ni au Tonkin. Certes les initiales C.S. sont brodées sur la bannière, mais elles pourraient avoir été ajoutées ultérieurement, et marquent peut-être sa contribution financière par solidarité avec les vétérans du Tonkin ou alors une appropriation du fait de la représentation de saint Corentin.

En tout cas, Pierre-Marie Quintin est bien le soldat gabéricois des 2e Zouaves, parti en campagne plus de 5 ans de chez lui, de 1882 à 1887. Il participe aux opérations coloniales dans le Sud-Oranais algérien, et aux dernières batailles de la guerre franco-chinoise dans les nouveaux protectorats français d'Annam et du Tonkin. Le passage de l'un à l'autre des fronts est détaillé dans le journal du géographe Paul Sainmont, soldat du 2e zouaves lui aussi  : «  Vive la France, vive le Colonel, vive le Commandant, en avant pour le Tonkin ! » (discours prononcé à Oran le 7 janvier 1885).

Pierre-Marie recevra pour ses services un certificat de bonne conduite et la médaille commémorative du Tonkin, et la bannière rouge du Tonkin est bien la sienne.

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Et la description qu'en fait Anatole Le Bras reflète bien sa richesse de confection : « Une bannière de velours écarlate représente St Corentin en rouge et en jaune, avec mitre d'or, et St Guénolé, tout en blanc, blanche la mitre, protégeant un jeune enfant en robe. »

Campagnes militaires

P.M. Quintin, matricule 417



QUINTIN Pierre Marie.
Numéro matricule du recrutement : 417
Classe de mobilisation : 1881

Etat-civil. Né le 2 juillet 1861 à Briec canton dudit, département du Finistère, résidant à Ergué-Gabéric, canton de Quimper, département du Finistère, profession de cultivateur, fils de Pierre et de Jeanne Louboutin, domiciliés à Ergué-Gabéric, canton de Quimper, département du Finistère.

Signalement. Cheveux et sourcils châtain-clair, yeux bruns, front ordinaire, nez moyen, bouche moyenne, menton rond, visage ovale, taille 1m. 65

N° 20 de tirage dans le canton de Quimper.

Degré d'instruction. Générale 1.2.3 militaire exercé.

Décision du conseil de révision : Bon. Compris dans la 1ère partie de la liste du recrutement cantonal (1er portion).

Corps d'affection. Dans l'armée active : 2e Régiment de zouaves ; dans la disponibilité : 2e Régiment de zouaves à Arles (02633) ; dans l'armée territoriale : 86e Régiment Territorial d'Infanterie à Quimper, 9e compagnie (20570)

Détail des services :

Appelé. Dirigé le 11 novembre 1882. Bien arrivé au corps et 2e zouaves le 28 novembre 1882. Numéro matricule : 6259. Zouave de 1ère classe le 9 janvier 1885. Envoyé en congé le 16 janvier 1887 en attendant son passage dans la réserve qui aura lieu le 1er juillet 1887. A reçu son certificat de bonne conduite et la médaille commémorative du Tonkin. Campagnes : En Afrique du 26 novembre 1882 au 18 janvier 1885. Expédition du Tonkin du 19 janvier 1885 au 4 juillet 1886. En Annam du 5 au 30 juin 1886. Opération d'occupation du Tonkin du 1er juillet 1886 au 3 janvier 1887. En Afrique du 4 au 16 janvier 1887.

Passé dans la réserve de l'armée active le 1er juillet 1887.

Dispensé de la 1er période en 1888, ayant quitté le corps en 1887. Dispensé de la 2e période en 1890. Passé dans l'armée territoriale le 1er novembre 1895. A accompli une période d'exercice dans le 86e régiment du 28 septembre au 11 octobre 1896.

Journal de Paul Sainmont

Campagnes Algérie et Tonkin, souvenirs d'un 2e zouave :


Pages 9-11  : Le 8 février 1883 était la date fixée pour le tirage au sort ... Le numéro 41 m'échoit ; je suis soldat, à moins d'un cas de réforme que je ne soupçonne pas ... transport à destination d'Oran et, trois jours après, débarqué en terre africaine, je déguste ma première gamelle dans les murs de cette ville : je suis soldat au 2e zouaves !

Page 15 : Le lendemain, 7 décembre, nous prenons le chemin d'Arles où nous campons sept jours, après quoi nous sommes dirigés sur le port d'embarquement ...

Pages 49-56 : Le 7 janvier 1885, nous recevions l'ordre de nous tenir prêt à partir le 16. Effectivement, les officiers et le bataillon qui doivent compter dansle corps expéditionnaire, sont convoqués ce jour-là à la caserne Neuve ; tout le monde est réuni dan la cour, et notre excellent colonel, M. Swiney, nous fait part officiellement de la décision qui nous envoie dans l'Extrême-Orient ... Vive la France, vive le Colonel, vive le Commandant, en avant pour le Tonkin ! ... Jamais cette journée du 17 janvier 1885 ne sortira de ma mémoire ... Nous sommes sous les ordres du commandant Mignot.

Page 91 : Quand nous abordâmes au Tonkin, beaucoup d'autres, avant nous, avaient arrosé de leur sang cette terre qui devait coûter encore tant de sacrifices avant de devenir terre française ...

Page 149 : Le 15 avril, c'est avec la plus grande joie que nous apprenons que les Chinois ayant attaqué la place de Kep qui défend l'entrée du Delta sur la route mandarine, ont été repoussés avec pertes. Nous avons perdu un sous-officier tué.

Annotations

  1. Pierre-Marie Quintin est né le 04.11.1861 à Coat-Glaz en Briec, son père Pierre et sa mère Jeanne Marie Louboutiin. En 1880 ses parents achètent la ferme de Niverrot en Ergué-Gabéric, et mettent en location Coat-Glaz pendant 9 ans. En juin 1889 ils cèdent Niverrot à Pierre-Marie qui épouse Marie Jeanne Le Berre de Kernaon, avec qui il aura un garçon (Pierre-Jean né en 1891) et 3 filles. Il est décédé le 21.02.1930 à Niverrot en Ergué-Gabéric.



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Thème de l'article : Mémoires des anciens Création : décembre 2021    Màj : 18.09.2023