Modèle:Petition1792-12-15

De GrandTerrier

duisoit toujours 7 à 8 pour cent d'intérét, même en les affermant, & 10 à 12 pour cent lorsqu'ils les tenoient eux-mêmes par mains, c'est ce qu'il nous a été facile de vérifier par les Rôles de l'impôt foncier.

Au lieu que leur argent placé en biens fonds leur procuroit à peine 2 demie à 3 pour cent. Cette prédilection pour les Domaines congéables fausoit aussi qu'on trouvoit difficilement des fermiers pour de grandes métairies, parce que pour les faite valoir avantageusement, il faut pour 10 à 12 mille francs de chevaux, chevaux & ustensiles, & qu'un cultivateur qui avoit seulement 4 à 5 mille francs, s'empressoit d'acquérir des droits réparatoires ; il se regardont dès lors comme un véritable propriétaire, & en effet, les droits réparatoires, quoi que meubles respectivement au propriétaire foncier comme gage du prix de sa fermé, étoient immeubles respectivement au Domanier, & en avoient tous les caractères ; leurs femmes y prenoient douaire ; lorsqu'ils les vendoient volontairement, l'acquéreur s'en approprioit comme de biens immeubles, & ils. les hypothéquoient valablement. Quelques-uns avoient cependant des biens en fonds, mais ils étoient en très petit nombre.

Le propriétaire y trouvoit aussi un grand avantage, surtout quand sa résidence étoit éloignée de ses biens ; il étoit exempt de réparations ; les droits réparatoires étant le gage du prix de fa ferme, il ne craignoit pas, qu'on lui mit la 'clef fous la porte, ce qui arrive couvent dans les fermes ordinaires ; il étoit assuré que fa terre seroit bien cultivée, au lieu que les terres dans les smples fermes sont souvent négligées & presque toujours dégradées quand le propriétaire n'est pas à portée d'y veiller.


Cette Tenure est donc avantageuse & aux Domaniers & aux propriétaires, mais elle est aussi bien plus favorable à l'agriculture que les simples fermes ; il ne faut pour s'en convaincre, que parcourir les campagnes de Domaines congéables, on y distingue aisément celles qui sont à ce titre des simples fermes ; les premières sont incomparablement mieux cultivées & mieux entretenues, tant pour les logemens, que pour les fossés qui sont bien mieux garnis de bois courants, les vergers mieux plantés &c. Ce qui n'est pas étonnant, tout cela s'estime en congément, & il est de l'intérêt du Domanier d'améliorer continuellement. C'est bien le cas de dire : tant vaut l'homme, tant vaut la terre. La possibilité d'être congédié est un aiguillon qui le force à améliorer ; d'ailleurs il fait aussi qu'il aura toujours la préférence pour une nouvelle baillée, s'il est honnête & laborieux qu'ainsi il travaille pour lui même ; car il n'est pas de propriétaire qui ne conserve un fermier qui se comporte bien.

Novs avons dit que la suppression du Domaine congéable fesoit perdre plus de cent millions à la République ; en effet ces sortes de biens se vendoient au denier 30, 35, & souvent 40 ; les voilà hors de vente, car qui voudra acheter des rentes qui ne sont plus que des rentes constituées ? Les Domaniers pourront rembourser à la Nation les rentes de Domaines nationaux, mais c'est une faculté qu'ils ont, ils n'y sont pas tenus ; d'ailleurs les Commissions n'y sont pas comprises dans ces remboursemens, & c'eft une partie considérable des revenus en Domaines congéables. Il n'est là question que des Domaines indépendans des fiefs, car quant à ceux qui en dépendent nous hommes persuadés qu'ils


sont un objet de près de deux millions de rente.

Nous avons dit aussi que cette suppression nuirait nécessairement au commerce & à la circulation des grains. En effet le commerce de grains est presque le seul dans les cantons de Domaines congéables, le bled est à peu près la seule denrée qu'on y ait à donner en échange du numéraire. Il est certain que de tous les temps les sept huitièmes des bleds qui s'en exportoient étoient ceux des rentiers & des décimateurs ; il s'en exporte peu des cantons de la ci-devant Bretagne qui n'ont point de Domaines congéables. Or voici ce qui arrivera lorsque les Domaniers auront remboursé leurs propriétaires fonciers ; ils n'auront plus de rentes en grains à payer, on fait que les cultivateurs sont généralement paresseux, ils ne sèment guères dans l'état actuel que ce qui est nécessaire pour leur consommation ,& pour payer leurs propriétaires ; mais quand ils n'auront plus de rentes en bleds à payer, ils n'en sèmeront que pour leur subsistance ; ils y feront même forcés, & ils y trouveront un grand avantage.

Il y feront forcés, car ils n'ont pas de greniers pour serrer leur bled & le conserver jusqu'au temps propre à la vente. Qu'on ne dise pas qu'ils en construiront ; que l'on calcule la dépense de plus de cent mille greniers.

Ils y trouveront un grand avantage, parce qu'il leur faudra moins de bras ; ils préféreront de laisser leurs terres en pâturages & de nourrir des bestiaux, cela est moins pénible & moins couteux, & leur sera autant de profit, & que deviendront alors les pauvres journaliers & valets de campagnes que la culture des terres nourrit ? Et dans les mauvaises années, la disette ne sera-t-elle pas à craindre ?

Nous avons dit encore que les habitant de nos campagnes


regretteront les Domaines congéables ; leur usage dans les successions est que l'ainé garde la tenue, & donne à ses frères et sœurs leur part en argent ; ceux ci, de cet argent & par des mariages, sont bien-tôt es état de se procurer d'autres tenues & sont toujours ainsi dans l'aisance, au moins quand ils sont laborieux & rangés. Mais quand le fonds de leur tenue leur appartiendra, ils tomberont dans la misère par les divisions & subdivisons qui iront à l'infini ; nous en avons un exemple dans une parcelle la plus fertile de ce Département (Crozon) où les congémens se fesoient rarement, & où ils ont toujours ainsi divisés leurs tenues, de sorte qu'aujourd'hui elles le sont tellement, qu'ils sont quelquefois plus de centsur une même tenue, qui n'ont qu'un ou deux silions, ce qui les rend fort misérables ; leur ressource est la pèche. Ces divisions multipliées sont encore une source de procès. Tel sera cependant le fort de nos cultivateurs qui regretteront alors la tenure convenancière & en demanderont le rétablissement.

Tout concourt donc à démontrer qu'indépendament de la justice il falloit conserver une nature de bien qui leur facilitoit le moyen de faire valoir leur argent à un taux avantageux, & entretenoit la circulation parmi eux.

Mais a-t-on dit, c'étoit le vœu général des campagnes, & la plupart des cahiers présentés aux États Généraux demandoient cette suppression; c'est comme si l'on disoit que cette multitude d'adresses de Municipalités & de Sociétés Populaires, qui ont osé demander la continuation ou le rétablissement du système sanguinaire du traître & cruel Roberspierre, formoit le vceu général de la République.

Non, ce n'étoit pas le vœu général, mais celui de quelques intrigans. Aujourd'hui même, quoi qu'ils semblent profi-