Modèle:Petition1792-22-25

De GrandTerrier

ARTICLE l

« La Tenure convenancière ou à Domaine congéable est abolie ; les coutumes locales qui régissent cette Tenure sous le nom d'usemens sont abrogées ; en conséquence les ci-devant Domaniers sont & demeurent propriétaires incommutables du fonds, comme des édifices & superfices de leurs tenues ».

Quelle générosité ! Les Domaniers n'avoient jamais été propriétaires incommutables de leur édifices & superfices, puisqu'on avoit le droit de les rembourser à l'échéance de leurs baux ;n'ayant jamais rien déboursé pour le fonds, ils n'y avoient pas plus de droit que les simples fermiers sur le fonds de leurs métairies ; c'est donc une véritable confiscation de la part de l'Assemblée législative, pour faire un don aux Domaniers, mais de quel droit ?

Avait-elle plus le pouvoir de déclarer ces Domaniers propriétaires incommutables du fonds de leurs tenues, dont ils n'ont jamais acquis la moindre portion, & de leurs droits réparatoires qu'ils n'ont acquis qu'à réméré ou rachat perpétuel, qu'elle n'en auroit eû de nous déclarer propriétaires incommutables de leurs droits réparatoires, comme nous l'étions véritablement du fonds ?

L'article 19 de la Déclaration des droits de l'Homme & du Citoyen porte que « nul ne peut être privé de la moindre portion de sa propriété sans son contentement si ce n'est lorsque la nécessité publique légalement constatée l'exige, & sans la condition d'une juste & préalable indemnité ».


Où étoit donc la nécessité publique qui exigeoit qu'on nous prive de nos propriétés, pour en gratifier d'autres individus comme nous ? En revenoit-il quelque profit à la chose publique ? Nous avons fait voir qu'au contraire ce funeste décret lui fait perdre plus de cent millions.

Mais supposons pour un moment qu'il y eut nécessité publique, quel moyen légal a-t-on pris pour la constater ? Est-ce en décrétant l'Urgence, pour dérober aux propriétaires qu'on tramoit leur ruine?

Un Citoyen libre que l'on veut priver de la moindre portion de sa propriété, sous prétexte d'une nécessité publique a incontestablement le droit de prouver que cette nécessité n'existe pas, sans quoi il n'est pas vrai qu'il soit libre ; que sera ce donc si on veut le dépouiller en faveur d'un autre Citoyen comme lui ? Cette loi est donc, nous osons le dire, une violation évidente de l'article 19 de la Déclaration des droits de l'Homme & du Citoyen, & nous en demandons justice.

Ce même article exige aussi la condition d'une juste & préalable indemnité ; nous ferons voir sur les articles suivants, combien il s'en faut que les propriétaires soient suffisament indemnisés.

ARTICLE I I

« Il ne sera fait à l'avenir aucune concession à pareil titre ; celles qui feroient faites ne vaudront que comme simples arrentemens. L'entière propriété des terres ainsi concédées appartiendra aux concessionaires avec la faculté perpétuelle de racheter les rentes.


Comment concilier cet article avec l'article 4 de Déclaration des droits de l'Homme qui porte que « la Loi ne peut ordonner que ce que est juste & utile à la société, & ne peut défendre que ce qui lui est nuisive ? ».

Nous avons démontré ,ci-devant, que la Tenure convenancière, loin d'être nuisible lui étoit au contraire très utile & très avantageuse.

Cet article a annéanti aussi l'artide 16 des droits de l'Homme qui porte que « le droit de propriété est celui qui appartient à tout Citoyen de jouir & difposer à son gré de ses biens, de ses revenus, des fruits de fon travail & de fon industrie ».

ARTICLE I I I

« Dans les concevions précédemment faites, les droits de congément, baillées, commissions & nouveautés, & le droit de lods & ventes [1] qui ne seroient point expressément stipulés dans le titre primitif de concession, sont abolis fans indemnité »

L'usement de Rohan étoit le seul où la vente volontaire des édifices & superfices donnât lieu aux Lods et ventes [1] & cet élément étoit aboli par le décret du mois de Juin 1791 ; ce droit au reste n'était pas féodal, puisque tout propriétaire foncier, quoique fans fief ni principe de fief, en jouissoit.

A l'égard des droits de congément, baillées, commissions & nouveautés, ils fesoient partie, & souvent la plus confidérable, du revenu des propriétaires puisque, comme on l'a dit, le prix de la ferme du fonds était toujours modique à cause de ces droits, & aux termes des droits de l'Homme, aucune puissance n'avoit le droit de les en dépouiller.
ARTICLE V.

« Tous les arbres fruitiers, tels que pommiers, châtaigniers, noyers & autres de même nature, soit qu'ils existent en rabines, avenues ou bosquets, les bois appelés courants ou puinais, les taillis même, les bois de futaie de toute espèce étant sur les fossés ou dans les clôtures des terres mises en valeur, sont déclarés appartenir en toute propriété aux ci-devant Domaniers. »

Les Domaniers ont acquis & payé les arbres fruitiers, & le droit d'en planter à leur profit, dans leurs clôtures, les bois courants & puinais, ainsi que les émondés des bois de futaie sur leurs fossés & en dedans d'iceux ; mais les châtaigniers & noyers n'ont jamais été rangés dans la classe des fruitiers ; ce sont des bois de futaie, & propres à merrain, compris, dans la réserve des propriétaires comme bois fonciers, & pour lesquels, on le répète, les Domaniers n'ont jamais rien déboursé. On appelle arbres fruitiers, ceux dont le fruit n'est pas la graine même, comme pommiers, poiriers, coignassiers, pruniers, cerisiers, pêchers, abricotiers, dont on mange, la chair, & on sème les pepins, les noyaux ; & l'on nomme arbres de futaie, & propres à merrain, ceux dont le fruit est la graine même, comme les chênes, hêtres, châtaigniers, noyers, pins, sapins, ifs, peupliers, &c. dont on ne peut manger que la graine ; c'est ce qu'on a toujours appellé bois fonciers, dont les Domaniers n'avoient que les émondes, lorsqu'il s'en trouvoit sur leurs fossés & en dedans d'iceux, sans pouvoir les couper par pieds : & lorsque ces arbres se trouvoient -hors des clôtures, soit en avenues, soit en bosquets

  1. 1,0 et 1,1
    TERME ANCIEN DE DOCUMENTS D'ARCHIVES

    Lods et ventes, s.m.pl, s.f.pl : redevances dues au seigneur en cas de vente d'une censive relevant de son domaine et payées par l'acheteur (lods) et le vendeur (ventes). Source : trésors Langue Française


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